Iván Rodrigo Curiqueo Camargo : Tisser des économies territoriales pour le Buen Vivir
September 10, 2025 6:59
Depuis la IXe Région de l’Araucanie, dans le sud du Chili, Iván Rodrigo Curiqueo Camargo apporte au forum de Nyéléni la voix de la Réseau d’Économies Territoriales Wallmapu (RET), un espace de convergence qui, depuis 18 ans, rassemble des organisations inspirées par la cosmovision mapuche et paysanne, ainsi que par les principes de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS).
La RET cherche à restaurer les pratiques économiques locales, à raviver les savoirs ancestraux et à proposer de nouvelles formes de gestion territoriale, toujours guidées par le küme mongen (le Bien Vivre). Parmi ses contributions, on trouve des marchés locaux autogérés, la réhabilitation du modèle de potager mapuche, la défense des semences ancestrales à travers les Trafkintu, et la construction de réseaux solidaires entre la campagne et la ville.
Dans un territoire marqué par la crise climatique, l’exode rural et les menaces pesant sur les écosystèmes, le réseau promeut le soin, la reproduction et l’échange de semences ; l’éducation fondée sur les cycles de la nature —Walüng, Rimu, Puken et Pewü— ; et la création de foires et marchés comme espaces de rencontre interculturelle, d’économie équitable et de préservation de la diversité bioculturelle.
Dans sa valise symbolique, Iván apporte au forum le piñón, graine de l’arbre sacré araucaria —aliment millénaire des peuples autochtones du sud du Chili, symbole de résistance, de nutrition et de vie pour les communautés mapuches.
« Nous n’allons pas à contre-courant, nous allons dans le courant de la vie. »
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Sandra Moreno Cadena: Des semences de solidarité issues de l’ESS
September 10, 2025 5:06
En tant que Secrétaire exécutive de RIPESS Intercontinental, Sandra Moreno Cadena participe au Forum Nyéléni avec la mission d’articuler les voix et les expériences des réseaux régionaux, en mettant en lumière les contributions de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) comme facteur clé pour construire des systèmes alimentaires durables dans les territoires ruraux et urbains.
Sandra rappelle que l’ESS apporte des réponses là où le marché échoue : elle favorise le renouvellement générationnel dans l’agriculture, crée des emplois décents —notamment pour les femmes rurales—, facilite la transition vers la formalisation et relie l’économie du soin à l’agroécologie.
Au-delà de son rôle à RIPESS, Sandra apporte également son expérience de la Réseau Agroécologique de La Alpujarra (Espagne), créé entre 2015 et 2016 et composé à 80 % de femmes rurales. Le réseau fonctionne à travers un Système Participatif de Garantie (SPG) qui relie productrices et consommatrices afin de certifier collectivement les fermes agroécologiques. Il gère aussi un stand mensuel au marché écologique de Grenade et a mis en place une banque communautaire de semences, permettant de récupérer des variétés traditionnelles et de préserver les savoirs des femmes qui les ont transmises de génération en génération.
Le contexte reste difficile : accès limité à la terre, dépeuplement rural, migration des jeunes, obstacles légaux pour la transformation artisanale et peu de soutien institutionnel pour le collectif face au modèle dominant de l’entrepreneuriat individuel. Pourtant, l’ESS en Alpujarra a réussi à renforcer les marchés locaux, à créer des alternatives de consommation durable et à promouvoir des circuits courts reliant campagne et ville.
Sandra apporte à Nyéléni des propositions concrètes : les SPG, les banques de semences, les projets de récupération solidaire de variétés locales et les réseaux d’écomarchés en Andalousie. Son slogan l’exprime avec clarté :
« Nous semons une économie de semences de solidarité pour déraciner les violences. »
« Nous semons une économie de semences de solidarité pour déraciner les violences. »
Ruby van der Wekken: L’alimentation comme bien commun, pierre angulaire du changement systémique
September 9, 2025 8:37
Ruby van der Wekken fait partie de la coopérative alimentaire Oma Maa (“Notre Terre”), située dans la région d’Helsinki, en Finlande. Depuis plus de 16 ans, cette coopérative œuvre pour la souveraineté alimentaire à travers un modèle d’Agriculture Soutenue par la Communauté (ASC), réunissant producteurs et consommateurs dans un effort collectif de transformation du système alimentaire.
La coopérative produit des paniers alimentaires biologiques et végétaliens pendant 50 semaines par an, comprenant des produits primaires et secondaires. Elle cultive des légumes, des fruits, des céréales, des farines et des flocons, et les transforme en yaourt d’avoine, tofu de chanvre (hefu), falafel de pois, huile de colza, seitan à base de blé, gelées de baies et autres produits entièrement issus de sa propre ferme. Son travail ne consiste pas seulement à nourrir, mais aussi à éduquer et à autonomiser, en abolissant la séparation entre ceux qui produisent et ceux qui consomment.
Oma Maa évolue dans une région confrontée à la dépopulation rurale, à la fermeture de petites fermes et à des politiques agricoles favorisant une production à grande échelle, en monoculture et non biologique. La législation soutient également la transformation industrielle des aliments, tandis que les initiatives communautaires sont négligées. Le gouvernement actuel, de droite, a réduit les politiques de bien-être, rendant l’accès à une alimentation saine et locale plus difficile, tant sur le plan financier que temporel.
Face à ces défis, Ruby et son collectif affirment que les initiatives de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) comme Oma Maa ne sont pas de petites solutions, mais des piliers essentiels du changement systémique. Transformer le système alimentaire, c’est transformer notre rapport à la terre, à la communauté et à nos besoins fondamentaux. Mais ce changement doit être porté par les personnes et leurs valeurs, et non par les marchés guidés par le profit.
La coopérative a contribué à la création d’un réseau national d’ASC en Finlande et collabore avec d’autres acteurs. Cependant, les pressions du quotidien et le manque de ressources rendent difficile la pérennisation de ces structures. Un volume minimum de commandes est nécessaire pour rémunérer équitablement les producteurs et maintenir la diversité des produits—ce qui n’est actuellement pas atteint.
Ruby apporte au forum un message clair : la lutte pour la souveraineté alimentaire dans le Nord global est étroitement liée à celle du Sud. Cultiver notre propre nourriture est une question de justice. Les coopératives comme Oma Maa ne nourrissent pas seulement—elles portent l’espoir. Comme le dit Jukka Lassila, agriculteur membre de la coopérative : « D’abord, nous prenons soin de la terre ; ensuite, nous voyons ce que nous mangeons. La nourriture est ce qui nous relie tous. Et celui qui contrôle le système alimentaire—y compris l’eau—contrôle la société. »
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RIPESS au Forum de Nyéléni : Pour une économie au service de la vie, non du profit
September 8, 2025 12:45
RIPESS, represented by Souhir Inas from the Réseau Marocain de l’Économie Sociale et Solidaire (REMESS), took the floor during the Nyéléni forum to share the political contexts facing its members and allies in their territories:
Aujourd’hui, le monde se trouve à un tournant. Nous sommes confrontés à des crises qui se superposent : inégalités croissantes, dette écrasante, militarisation, bouleversements climatiques et effondrement des écosystèmes. Cependant, au lieu de transformer ce moment en une opportunité de transformation radicale, le même système prévaut, marqué par la domination du Nord global, par le silence des voix de la société civile et par l’élimination des communautés les plus touchées par l’injustice.
Soyons clairs : le système financier international est profondément injuste. Il draine systématiquement les richesses du Sud, limite l’espace politique de nos États et aggrave les inégalités historiques, de genre et raciales. Dans ce contexte, la justice sociale, la démocratie réelle et l’intégrité écologique ne sont que des illusions.
C’est pourquoi, depuis le RIPESS, nous appelons à une refonte radicale, fondée sur la justice, l’équité et la durabilité. Nous exigeons le principe de responsabilités communes mais différenciées : les principaux responsables des crises actuelles doivent assumer leur part. Nous rejetons les « fausses solutions » basées sur le marché – échange de dette contre nature, financement mixte – qui ne résolvent pas nos urgences sociales et écologiques.
Au cœur de notre vision se trouvent les soins et la souveraineté alimentaire. Le travail de soins non rémunéré, encore majoritairement effectué par les femmes, permet de maintenir en vie des personnes, des familles et des communautés. Il est également essentiel pour produire, préparer et distribuer la nourriture chaque jour. Lorsque les systèmes publics de soins et de protection sociale sont démantelés ou inexistants, ce sont les femmes, en particulier les femmes rurales et autochtones, qui en supportent le poids. Les inégalités s’accentuent.
Reconnaître les soins comme un droit humain et un bien public, garantir une protection universelle et investir dans les services publics de soins sont les fondements de systèmes alimentaires équitables et résilients. Le travail de soins n’est pas séparé de la souveraineté alimentaire ; il en est la base. Les communautés locales, grâce à l’agroécologie et à la solidarité, tissent ensemble le tissu de la vie, de la biodiversité et du savoir partagé.
Cette vérité résonne dans le monde entier. En Afrique, la dépendance aux céréales affaiblit la souveraineté, tandis que les crises climatiques et l’accaparement des terres menacent l’avenir. Mais les coopératives agricoles et les économies solidaires montrent la voie vers la résilience. En Amérique latine, la jeunesse, la biodiversité et l’égalité des sexes stimulent une économie solidaire fondée sur la dignité et la justice. En Amérique du Nord, au milieu du fascisme et du capitalisme extractif, les coopératives dirigées par la communauté, en particulier les communautés noires et autochtones, ainsi que le financement alternatif, revendiquent le pouvoir et les droits. En Asie, les agriculteurs défendent la souveraineté des semences et de la terre face au contrôle des entreprises. L’économie sociale et solidaire émerge en Europe comme un antidote démocratique à l’autoritarisme et aux politiques néolibérales de l’agro-industrie, favorisant des systèmes alimentaires locaux inclusifs, l’accès à la terre pour les petits agriculteurs et la résilience des communautés face à la logique d’exclusion de la politique agricole commune de l’UE.
Soyons honnêtes : il ne suffit pas de prendre des mesures timides à l’échelle mondiale, comme les débats sur la justice fiscale internationale, tant que les abus, la dette et la fuite des capitaux continuent de priver le Sud global de ses ressources et que les entreprises échappent à toute obligation de rendre des comptes.
Notre vision est claire : seule une transformation structurelle – grâce à la justice réparatrice, à une véritable gouvernance démocratique et à l’unité des soins, à la souveraineté alimentaire et à l’économie sociale et solidaire – conduira à un changement réel. La lutte pour la terre et les semences, menée par les femmes et les communautés rurales et autochtones, n’est pas marginale. Elle est au cœur d’un nouveau projet social : une économie au service de la vie, et non du profit.
Alors appelons ensemble à un nouveau départ, à une mobilisation mondiale pour le changement profond que notre époque exige. L’économie sociale et solidaire, indissociable de la souveraineté alimentaire, n’est pas une alternative de niche. C’est l’horizon démocratique, écologique et solidaire d’un monde à reconstruire.Today, the world stands at a crossroads.
RIPESS LAC participe à la Rencontre Ibéro-Américaine de l’Économie Sociale et Solidaire en Bolivie
September 8, 2025 11:53
Sociale et Solidaire, un espace stratégique pour le dialogue régional, l’élaboration de propositions et le renforcement des politiques publiques autour de l’ESS. Cet événement, organisé par l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID) et le Ministère du Travail et de l’Économie Sociale du Gouvernement espagnol, réunit des représentants de plus de 20 pays ibéro-américains.
RIPESS LAC participe activement à ce forum, en apportant son expertise en matière d’articulation régionale, d’incidence politique et de promotion de modèles économiques transformateurs. La rencontre vise à consolider le Réseau Ibéro-Américain de Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire et à achever le processus de renforcement des capacités régionales mené par l’AACID et l’EAES.
RIPESS LAC interviendra lors de la table de dialogue sur l’inclusion sociale, l’équité et l’égalité de genre à travers l’emploi et l’économie sociale : instruments et défis en suspens, le mercredi 10 septembre.
Les principaux objectifs de l’événement sont :
- Échanger des visions, des expériences et des stratégies pour relever les défis du XXIe siècle à travers l’ESS
- Concevoir des politiques publiques inclusives et durables, avec une approche territoriale et participative
- Créer des laboratoires de dialogue pour formuler des propositions consensuelles et rédiger un document structuré servant de référence régionale
- Mobiliser un soutien international et régional pour positionner l’ESS comme un pilier du développement juste et résilient
L’engagement envers ces objectifs se concrétisera dans un document qui sera présenté dans divers espaces nationaux et internationaux, y compris les réunions préparatoires du Sommet Ibéro-Américain des Chefs d’État et de Gouvernement, prévu en Espagne en 2026.
RIPESS réaffirme son engagement en faveur de la construction de territoires plus équitables, durables et solidaires, et célèbre cet espace d’articulation ibéro-américain autour de l’Économie Sociale et Solidaire comme une opportunité clé pour progresser collectivement.
Communiqué de Presse: La force du peuple brise l’inertie des gouvernements face à la Palestine
September 8, 2025 6:12Nous, en tant que RIPESS, réseau qui promeut l’Économie Sociale Solidaire à l’échelle mondiale, soutenons fermement la nouvelle « Flottille de la Liberté », qui a pris la mer cette semaine en direction de Gaza assiégée. Cette mission s’inscrit dans la continuité des voyages courageux entamés en 2008, lorsque deux bateaux de pêche grecs — le Free Gaza et le Liberty — ont réussi à briser le blocus naval pour la première fois en 41 ans. À bord se trouvaient 44 personnes de 17 nationalités. Cette percée historique a inspiré de nouvelles flottilles dans le cadre d’un mouvement mondial de solidarité maritime.
En soutenant la Flottille Mondiale Sumud (persévérance constante, en arabe ), nous réaffirmons notre exigence de lever le siège de Gaza, de nous opposer aux crimes de guerre et aux punitions collectives infligées à sa population, et de défendre le droit international. Notre solidarité est un engagement concret en faveur de la justice, de la dignité et du droit du peuple palestinien à vivre libre et en paix.
17 ans plus tard, ce legs se poursuit avec la participation de la Flottille Maghreb Sumud, de la Coalition de la Flottille de la Liberté, du Mouvement Mondial pour Gaza et de Sumud Nusantara, qui se sont réunis sous une même bannière : briser le blocus illégal de Gaza, ouvrir un corridor humanitaire et contribuer à mettre fin au génocide du peuple palestinien.
Le 31/08/2025, des dizaines de bateaux, grands et petits, sont partis de Barcelone et de Gênes. Au cours de la première semaine de septembre, d’autres embarcations partiront de Tunisie et de Grèce pour converger vers Gaza, dans ce qui sera la plus grande flottille civile coordonnée de l’histoire.
« Nous ne sommes ni des gouvernements, ni des armées, ni des institutions. Nous sommes des personnes ordinaires : organisatrices, médecins, humanitaires, religieuses, artistes, avocates et navigatrices, unies par la conviction en la dignité humaine et le pouvoir transformateur de l’action non violente. »
Ce mouvement s’appuie sur des décennies de résistance palestinienne et de solidarité internationale. Les navires civils transportant de l’aide et participant à des actions pacifiques dans les eaux internationales sont protégés par le droit maritime. Grâce à la préparation, à la formation et à une visibilité mondiale, ils veulent affirmer clairement : le siège doit cesser, et le monde ne peut plus détourner le regard.
Le réseau mondial RIPESS se joint fermement à la Flottille Mondiale Sumud pour une raison supplémentaire : cette mission incarne le cœur même de l’économie sociale solidaire ; des personnes qui agissent collectivement pour résister à l’oppression, défendre la vie avec dignité et autodétermination. Nous appelons l’ensemble de la communauté internationale, de la société civile aux gouvernements, à agir avec détermination pour défendre les droits humains, protéger les civils et mettre fin immédiatement au blocus et aux atrocités en cours.
RIPESS – Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Sociale Solidaire
Courriel: info@ripess.org, info@ripess.eu
Site Web: www.ripess.org, www.ripess.eu
Bhola Bhattarai : Femmes Chepang, régénération des forêts, systèmes alimentaires et vie communautaire au Népal
September 8, 2025 6:04
Depuis les hauteurs du centre du Népal —dans les districts de Gorkha, Dhading, Makawanpur et Chitawan— Bhola Bhattarai, du National Forum for Advocacy Nepal (NAFAN), apporte l’expérience et la force du peuple autochtone Chepang, dont le mode de vie semi-nomade a toujours été profondément lié aux écosystèmes forestiers.
Dans ces communautés, les femmes jouent un rôle essentiel dans la régénération des forêts, des systèmes alimentaires et de la vie communautaire. En combinant la sagesse ancestrale avec de nouvelles opportunités fondées sur les droits, elles perpétuent des pratiques telles que le tissage de paniers en bambou, la préparation de plats traditionnels et la culture de racines oubliées. Ainsi, elles renforcent la souveraineté alimentaire, préservent l’identité culturelle et luttent contre la pauvreté.
Les défis restent immenses. Les inégalités géographiques aggravent l’exclusion, notamment pour les femmes et les filles. De nombreux villages manquent de services de base, l’accès aux soins est éloigné, les femmes accouchent souvent avant 20 ans, et plus de 90 % des villages de la chaîne de Chure et du Mahabharat sont exposés aux glissements de terrain et à l’érosion.
Dans ce contexte, l’Économie Sociale Solidaire (ESS) devient un chemin de résilience. En collaboration avec la municipalité rurale de Raksirang et des organisations communautaires locales, un marché communautaire a été créé pour vendre des produits agricoles et forestiers. Cet espace ne soutient pas seulement les revenus locaux, il symbolise également la souveraineté communautaire et la reconnaissance culturelle.
Bhola souligne que le véritable changement émerge des communautés elles-mêmes : lorsque les femmes sont autonomisées, que la sagesse autochtone est valorisée et que la justice sociale imprègne chaque action.
Au Forum Nyéléni, Bhola apporte des histoires, des photos et des apprentissages, mais aussi les défis encore à relever. Son message est clair : la régénération des systèmes alimentaires est indissociable de la dignité des peuples autochtones et du leadership des femmes.
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RIPESS à l’Assemblée des Femmes du Forum Nyéléni : Pour une alimentation féministe et comme bien commun
September 8, 2025 4:23
Elise Pierrette Memong Meno à l’Assemblée des Femmes du Forum Nyéléni.
Chères sœurs, femmes du monde entier en résistance, collègues, camarades et allié·es,
La souveraineté alimentaire est une vision enracinée dans le pouvoir des peuples à définir, façonner et gouverner leurs propres systèmes alimentaires. Aujourd’hui, alors que les systèmes alimentaires industriels sont dominés par les entreprises transnationales, nos communautés — et en particulier les femmes rurales — font face à des menaces croissantes contre leur autonomie, leurs terres, et même leur moyen fondamental de subsistance.
À travers la perspective du féminisme et de l’économie sociale et solidaire — en m’appuyant sur la vision portée par RIPESS — je nous invite à revendiquer l’alimentation comme un bien commun et à considérer la transformation de nos systèmes alimentaires comme inséparable de la lutte pour la justice de genre et la survie écologique.
Les entreprises agrobusiness et extractivistes internationales fonctionnent selon une logique d’accumulation qui place le profit avant les personnes, l’uniformité avant la diversité, et la domination avant la collaboration. Ce système permet à une poignée d’acteurs transnationaux de contrôler les semences, la terre et les marchés — créant dépendance, accaparement des terres, et érosion des droits fondamentaux des paysannes, des femmes rurales et des communautés.
Parallèlement, les structures patriarcales et capitalistes œuvrent ensemble pour exclure les femmes — en particulier les paysannes, les femmes autochtones et populaires — des processus de décision, de l’héritage foncier et de la transmission de leurs savoirs productifs.
Pourtant, les femmes sont l’épine dorsale des systèmes alimentaires. Elles entretiennent les connaissances agroécologiques, préservent la biodiversité et assurent la sécurité alimentaire des familles et communautés. Mais leurs droits à la terre, aux ressources et à la participation politique sont systématiquement bafoués.
La lutte féministe au sein de la souveraineté alimentaire ne remet pas seulement en cause les rôles de genre, mais aussi les systèmes de propriété et de contrôle soutenus par les entreprises et l’État. Les collectifs de femmes de notre mouvement revendiquent :
- Le droit à la terre et aux ressources productives, face aux lois patriarcales d’héritage et à l’accaparement des terres par les entreprises ;
- Le droit à la santé et à la protection sociale, reconnaissant la contribution des femmes tout au long de leur vie, y compris à la retraite ;
- Une voix dans les instances de gestion des ressources naturelles, pour orienter des politiques alimentaires locales, nationales et régionales justes, démocratiques et durables.
L’économie sociale et solidaire, soutenue par RIPESS, propose une alternative fondée sur la coopération, la propriété collective et la gouvernance démocratique. Contrairement aux modèles qui continuent d’alimenter la marchandisation de l’alimentation par les entreprises, l’ESS réunit producteurs et consommateurs comme copropriétaires et codécideurs des systèmes alimentaires.
Regardons quelques éléments de transformation :
- La mutualisation des moyens de production et de commercialisation : les femmes et les communautés organisent des centres de production coopératifs qui permettent de passer d’outils rudimentaires à des moyens modernes et partagés, renforçant leur autonomie technique et réduisant leur dépendance extérieure ;
- La création de chaînes de valeur alternatives : de la culture à la commercialisation, les mécanismes solidaires basés sur l’ESS éliminent les intermédiaires spéculatifs, garantissant des prix justes et des conditions de vie dignes aux producteur·trices ;
- La finance communautaire : à travers des dispositifs financiers solidaires, des monnaies locales et des investissements éthiques, les communautés reprennent le contrôle économique, en réinvestissant là où les besoins sont les plus pressants.
L’ESS féministe et transformatrice ne s’arrête pas aux structures économiques. Elle rend opérationnelle une vision politique et citoyenne de la souveraineté alimentaire en :
- Construisant le pouvoir collectif pour le plaidoyer : les alliances de femmes dans l’ESS exigent des politiques qui reconnaissent leurs droits et leurs savoirs, en garantissant une participation équilibrée à toutes les étapes de la production, de la distribution et de la gouvernance ;
- Assurant la durabilité sociale et écologique : les pratiques agroécologiques, les banques communautaires de semences et la préservation de la biodiversité deviennent des leviers d’autonomie et de résistance, portés par celles qui sont les gardiennes de savoirs traditionnels et innovants ;
- Affirmant l’alimentation comme bien commun, et non marchandise : en revendiquant l’alimentation comme un droit et en rejetant les modèles exploiteurs fondés sur le profit, l’ESS féministe met au premier plan l’éthique du soin, l’interdépendance et la réciprocité.
Le pouvoir des entreprises transnationales repose sur la fragmentation et la destruction de la solidarité entre communautés. L’approche ESS, ancrée dans le féminisme, fait tout le contraire :
- Elle construit des réseaux de solidarité, locaux et mondiaux, qui soutiennent des circuits alimentaires alternatifs, remettent en cause la domination de l’agro-industrie, et mettent au centre les droits des femmes, des petits producteurs, des peuples autochtones et des personnes des économies populaires ;
- Elle milite pour des politiques alimentaires publiques faites par et pour les plus impacté·es : les femmes qui travaillent la terre, nourrissent nos sociétés et savent à quoi ressemblent des systèmes agroalimentaires justes et durables ;
- C’est une lutte intersectionnelle : contre le patriarcat, l’extractivisme et la marchandisation. Ces luttes ne sont pas isolées : elles s’intègrent au mouvement émancipateur du commun, pour une justice économique, de genre et climatique.
Chères sœurs, la tâche est immense mais porteuse d’un immense espoir. Partout, des femmes et des communautés inventent de nouveaux systèmes alimentaires, fondés sur le contrôle démocratique, la solidarité et le soin porté à la nature et aux personnes. Elles nous nourrissent, oui ; mais elles défendent aussi la dignité, la diversité, et la vie !
Engageons-nous à marcher à leurs côtés : renforcer les collectifs, amplifier leurs revendications pour la terre, l’autonomie et la reconnaissance, et affirmer que la souveraineté alimentaire est à la fois une lutte féministe et une lutte contre le pouvoir des entreprises.
L’alimentation, c’est la vie. L’alimentation est féministe. L’alimentation n’est pas une marchandise. Et grâce à une économie sociale et solidaire transformatrice, un autre monde non seulement est possible, mais il germe déjà, partout.
Merci.
Elise Pierrette Memong Meno — Secrétaire Générale du RAESS, représentante du RAESS au Conseil d’Administration de RIPESS et Présidente du RESSCAM au Cameroun.
Les organisations internationales et les décideurs politiques ont affirmé l’élan historique autour de l’économie sociale et solidaire
July 13, 2022 5:15
Un événement parallèle au Forum politique de haut niveau (FPHN) qui s’est tenu le 5 juillet a discuté du rôle de l’économie sociale et solidaire pour reconstruire en mieux et promouvoir le développement durable.
Organisé par RIPESS intercontinental, en partenariat avec l’Équipe spéciale des Nations Unies sur l’économie sociale et solidaire (UNTFSSE), les gouvernements français, espagnol et malaisien, l’événement parallèle en ligne était un événement parallèle officiel du Forum politique de haut niveau (HLPF2022). Un événement annuel et une plateforme des Nations Unies organisés pour le suivi et l’examen de l’Agenda 2030 pour le développement durable et des Objectifs de développement durable (ODD) au niveau mondial, l’édition de cette année s’est concentrée sur « Mieux reconstruire à partir de COVID- 19 tout en faisant progresser la mise en œuvre complète de l’Agenda 2030 pour le développement durable« .
Intitulé « Reconstruire en mieux et promouvoir le développement durable via l’économie sociale et solidaire (ESS)« , l’événement a discuté du rôle de l’ESS dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2030 pour reconstruire en mieux après la pandémie de Covid-19.
Modéré par Mme Judith Hitchman, membre du Comité international d’URGENCI et coordinatrice conjointe du réseau international pour RIPESS Intercontinental, le panel a réuni dix experts et décideurs de renommée internationale issus de différentes organisations internationales et de gouvernements, avec environ 70 participants.
Dans leurs interventions, les panélistes ont réfléchi aux étapes importantes franchies au niveau international. Il s’agit notamment de l’adoption de la résolution et des conclusions concernant le travail décent et l’ESS lors de la 110e Conférence internationale du travail (CIT) de l’Organisation Internationale du Travail et de la recommandation sur l’ESS et l’innovation sociale par le Conseil de l’OCDE. Ils ont également fait le point sur les récentes avancées vers une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’ESS et le développement durable. Certaines avancées aux niveaux régional, national et local ont été discutées, notamment le lancement du plan d’action de l’Union européenne sur l’économie sociale ; et d’autres initiatives aux niveaux national et local.
Mme Chantal Line Carpentier, Chef du Bureau de la CNUCED à New York et Vice-présidente de l’UNTFSSE, a rappelé que la réalisation des ODD est en retard en raison des effets de la pandémie de COVID-19, des tensions géopolitiques extrêmes et des conflits armés. Elle a noté que la promotion des partenariats et la mobilisation des organisations et des entreprises de l’économie plurielle, y compris les entités de l’ESS, sont essentielles pour faciliter le changement transformationnel. Mme Carpentier a encadré le débat dans le cadre des travaux de l’UNTFSSE et a expliqué ses priorités et son plan d’action en cours.
Mme Valentina Verze, Responsable technique de l’ESS et du travail décent à l’OIT, a présenté la Résolution et les Conclusions concernant le travail décent et l’ESS qui ont été adoptées lors de la 110ème CIT de l’OIT. Mme Verze a noté que les conclusions comprennent, pour la première fois, une définition tripartite de l’ESS au niveau international. Elles fournissent des directives aux mandants de l’OIT et au Bureau pour faire progresser l’ESS au service du travail décent et d’un avenir du travail centré sur les personnes et la planète.
Mme Toni Moore, Secrétaire générale de l’Union des travailleurs de la Barbade et porte-parole du groupe des travailleurs pendant la discussion générale de la CIT, a présenté le point de vue des organisations de travailleurs, soulignant le rôle prépondérant des entités de l’ESS dans la promotion des droits des travailleurs et du travail décent, en particulier pour les travailleurs opérant dans l’économie informelle.
Mme Antonella Noya, Chef de l’Unité de l’économie sociale et de l’innovation à l’OCDE, a indiqué que la Recommandation de l’OCDE sur l’ESS et l’innovation sociale, récemment adoptée, repose sur neuf éléments constitutifs qui offrent les conditions nécessaires à l’essor de l’ESS et aident à relever les défis qui la concernent. Mme Noya a ajouté que la Recommandation s’appuie sur les conseils fournis dans l’Outil politique pour un meilleur entrepreneuriat de l’OCDE/UE, utilisé pour examiner les cadres de l’économie sociale dans les pays membres de l’OCDE, les États membres de l’UE et au-delà.
M. Arnaud Boulanger, haut fonctionnaire du ministère français de l’Économie et des Finances, a présenté l’Alliance Pacte pour l’Impact, qui se veut une plateforme pour la promotion du dialogue et des synergies et l’avancement de l’ESS au niveau international.
Mme Maravillas Espín, Directrice générale du travail indépendant, de l’économie sociale et de la responsabilité sociale des entreprises au Ministère du travail et de l’économie sociale d’Espagne, a parlé de l’engagement du gouvernement espagnol dans la promotion de l’ESS aux niveaux national, régional et international. Elle a souligné le soutien de l’Espagne à la présentation d’une résolution de l’ONU sur l’ESS et le développement durable. Mme Espín a fait remarquer que « le moment est venu » de créer des écosystèmes favorables à l’ESS.
M. Dato’ Mohammad Radhi bin Abdul Razak, Secrétaire général adjoint pour le secteur de la politique et du suivi au Ministère du développement des entrepreneurs et des coopératives (MEDAC), a présenté le programme national de promotion des entreprises sociales en Malaisie en tant qu’outil pour faire progresser les droits de l’homme et le respect de la nature.
M. Denison Jayasooria, ancien président du Conseil asiatique de l’économie solidaire (ASEC) et membre du RIPESS, a mis en avant les bonnes pratiques des entités de l’ESS pour ne laisser personne de côté dans la région asiatique et a souligné la nécessité de documenter et de sensibiliser à ces bonnes pratiques.
Mme Fulvia Farinelli, économiste principale au Bureau du coordinateur résident des Nations Unies en Argentine, a discuté du rôle régénérateur que l’ESS peut jouer dans la création d’un travail décent et l’avancement d’une transition juste au niveau territorial. Mme Farinelli a ajouté qu’il était important d’adopter une « approche unique des Nations Unies » pour promouvoir l’ESS aux niveaux régional et national.
M. André Lazzi, représentant de la Coalition internationale Habitat et du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones, a parlé de certaines expériences de recherche de la souveraineté alimentaire et des droits de l’homme menées par des entités de l’ESS au Brésil, de manière coordonnée et autogérée avec les communautés autochtones et locales.
L’enregistrement de la session est accessible sur la chaîne YouTube de RIPESS Intercontinental et il est disponible en 3 langues différentes (anglais, français et espagnol).

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Webinaire: HLPF Side-Event: Mieux reconstruire et promouvoir le développement durable via l’ESS
June 30, 2022 12:03
Le RIPESS Intercontinental, en collaboration avec le groupe de travail de l’ONU sur l’ESS et d’autres partenaires, est heureux de de vous inviter à un webinaire sur l’économie sociale et solidaire mardi prochain, 5 juillet, 07:30h NY, 11:30h UCT
Ce webinaire est un événement parallèle officiel dans le cadre du Forum politique de haut niveau sur le développement durable, la plateforme des Nations Unies pour le suivi et l’examen de l’Agenda 2030 pour un développement durable et des Objectifs de développement durable (ODD) au niveau mondial. Le thème du HLPF 2022 est « Reconstruire en mieux après la maladie du coronavirus (COVID- 19) tout en faisant progresser la mise en œuvre intégrale de l’Agenda 2030 pour le développement durable« .
Notre contribution s’intitule « Mieux reconstruire et promouvoir le développement durable via l’économie sociale et solidaire ». Avec un panel d’éminents participants du monde entier, cet échange vise à contribuer à la prise de conscience de l’ESS en tant que partie importante de la réponse à la reconstruction en mieux. Notre expérience, l’élaboration de politiques et le plaidoyer ont clairement démontré que l’ESS est un élément essentiel pour changer l’actuel paradigme économique, et est l’alternative la plus fiable, réaliste et digne de confiance pour surmonter la crise actuelle.
L’interprétation sera disponible en Anglais, Français et Espagnol.
Pour y participer, veuillez vous inscrire ici. Après votre inscription, vous recevrez un e-mail de confirmation contenant des informations sur la participation au webinaire.
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